samedi 14 juillet 2012

Euthanasie : Le cycle des propositions de loi continue. Proposition d’avancée déterminante

Faisant suite à la proposition de loi du Sénateur Jean-Pierre Godefroy de Janvier 2011 puis de celle du Sénateur Roland Courteau de Juin 2012, vient d’être déposé le texte d’une nouvelle proposition de loi le 3 Juillet 2012 par le Sénateur Alain Fouché. Le texte de cette dernière proposition n’est pas encore disponible sur le site du Sénat, mais on peut noter que son auteur avait déjà rédigé une proposition sur le même sujet en Octobre 2008, laquelle avait été l’un des trois textes, avec ceux des Sénateurs Jean-Pierre Godefroy et Guy Fischer, à partir desquels avait été bâtie sous l’égide de Jean-Pierre Godefroy la proposition commune de Janvier 2011 rejetée en première lecture le 25 Janvier 2011.

Dans cette entreprise sénatoriale au long cours, se poursuit ainsi le cycle des propositions de loi déposées par un certain nombre de sénateurs pour lesquels le projet de légalisation de l’euthanasie leur tient à cœur et pour qui le rejet de leurs propositions n’est jamais qu’une étape sur le chemin de leur acceptation. Afin de clarifier les étapes de cette course à la fois de fond et de relais, le récapitulatif suivant mentionne pour chacun des auteurs de proposition de loi d’une part son parti politique d’origine, et pour le Sénateur Alain Fouché son implication particulière sur le sujet marquée par ses fonctions de Vice-Président de l’ADMD (Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité) :

- 28 Octobre 2008 : relative à l’aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés N° 65 (2008-2009), Alain Fouché (UMP, ADMD)
- 12 Juillet 2010 : relative à l’aide active à mourir N°656 (2009-2010) relative à l’aide active à mourir, Jean-Pierre Godefroy (PS)
- 13 Octobre 2010 : relative à l’euthanasie volontaire N° 31 (2010-2011), Guy Fischer (PC)
- 18 Janvier 2011 : relative à l’assistance médicalisée à mourir, proposition commune, Rapporteur de la commission : Jean-Pierre Godefroy (PS) (rejet par le Sénat en première lecture le 25 Janvier 2011)
- 31 Janvier 2011 : relative à l’assistance médicalisée à mourir N° 312 (2011-2012), Jean-Pierre Godefroy (PS)
- 8 Juin 2012 : relatif à l’assistance médicalisée pour mourir et à l’accès aux soins palliatifs N° 586 (2011-2012), Roland Courteau (PS)
- 3 Juillet 2012 : visant à légaliser une aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés N° 623 (2011-2012), Alain Fouché (UMP, ADMD)

Sans préjuger de l’avenir, la constance de ce cycle laisse à parier sur le dépôt d’une probable prochaine proposition de loi de la part du Sénateur Guy Fischer.

Toutefois, en l’absence de modification notable des textes proposés, et quelle que soit la persistance de la bonne volonté de leurs auteurs, les mêmes arguments ayant fait rejeter leurs précédentes tentatives risquent de bloquer à nouveau leurs nouvelles propositions. Aussi, le Groupe Charon se propose de mettre sa capacité d’analyse et de proposition au service d’une mise en forme de ces propositions plus à même de déborder les objections antérieures et de drainer l’approbation. C’est dans cet esprit qu’est ainsi abordée la réflexion suivante.

La liberté euthanasique est principalement entravée par la crainte que le candidat à l’euthanasie puisse ne pas disposer des informations complètes lui permettant de former son jugement, en particulier de celles lui permettant de poursuivre une vie non grevée de la perte de sens qu’il éprouve et le pousse à s’en détacher. C’est à cet effet que les textes antérieurs définissent des conditions légitimant ce choix, en l’occurrence par la recherche d’arguments médicaux authentifiant une situation de fin de vie de fait. C’est au même effet qu’ils mentionnent un document préalablement rédigé par le candidat et par le témoignage de plusieurs observateurs attestant d’un choix libre et éclairé.

La liberté euthanasique est également entravée par un souci qu’elle ne s’applique que lorsque la mort est proche, ce qu’authentifient les constats médicaux, comme si la crainte que cette liberté ne soit effectivement utilisée avait d’autant moins d’importance que la mort, qu’elle soit volontaire ou naturelle, doit de toute façon survenir dans le même ordre de délai.

La liberté euthanasique est enfin entravée par la crainte que l’officiant euthanasiant puisse aller au-delà d’une pratique sur les seuls candidats volontaires. C’est à cet effet que la pratique de l’acte est limitée au seul corps médical, supposé guidé par les seules considérations éthiques, et est assortie de contrôles avant et après l’acte par des pairs et par une commission ad hoc documentant et traçant les éléments de l’acte.

Mais quels que soient les procédures et les contrôles, aucun ne sera jamais suffisamment fiable pour garantir d’une part qu’aucun oubli ou qu’aucune omission ne seront pas venus fausser le caractère libre et éclairé du choix du candidat, d’autre part que la volonté du candidat n’aura pas évolué entre sa dernière confirmation et le moment de l’acte, et enfin qu’aucune intention malveillante de la part d’un officiant ne pourra être couverte par le respect de la forme d’une procédure.

De plus, limiter l’exercice d’une liberté aux seules situations dans lesquelles cet exercice est équivalent à son absence, en l’occurrence aux seules situations dans lesquelles la survenue spontanée de la mort peut survenir dans le même ordre de délai que la mort volontaire, est de fait une négation de la liberté qui est apparemment proclamée, lui ôtant dès lors toute portée, et incitant au rejet de la démarche.

Ce sont fondamentalement ces obstacles qui sous-tendent les échecs des propositions antérieures de légalisation d’une forme ou d’une autre d’euthanasie, et qui devront être surmontés pour que la liberté euthanasique puisse avoir une chance de trouver le support d’une évolution législative.

Le premier obstacle serait pourtant aisément contournable par le simple fait de poser, à l’image de la réglementation sur les prélèvements d’organes après décès stipulant l’accord implicite du donneur potentiel sauf mention expresse de sa part avant son décès, que tout citoyen est en droit de bénéficier d’une euthanasie sauf mention expresse de sa part exprimant son renoncement à ce droit.

Par le simple principe fondamental du droit que nul n’est censé ignorer la loi, la question du choix libre et éclairé tomberait dès lors d’elle-même : la liberté est inhérente à la disposition du droit à une mort choisie, et l’éclairement est le fait de la société dont le choix législatif de mettre un droit euthanasique en vigueur est le fruit de la réflexion collective éclairée du législateur.

L’obstacle de l’intention de l’officiant euthanasiant serait pour sa part également contournable en reconnaissant à la société la charge de mettre en place les moyens pour chacun de faire appliquer cette liberté nouvelle, en l’occurrence en définissant l’application de l’acte euthanasiant comme relevant d’une mission de service public. Comme toute mission de service public, celle-ci peut être soit conférée à une administration spécialement constituée soit déléguée à des opérateurs hors de l’administration mais opérant en son nom, sous son autorité et sous son contrôle. Il est clair que le contexte économique étant peu favorable à la mise en place d’une administration nouvelle, la seconde option représenterait la solution la plus adaptée, suivant entre autres exemples les expériences de délégation de service public à des entreprises de droit privé comme La Poste pour l’acheminement du courrier, la SNCM pour l’entretien de la continuité territoriale sur le transport entre la Corse et la France continentale, ou les établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) dans le domaine de la santé.

Une telle organisation permettrait en outre de retirer l’euthanasie de la sphère médicale, évitant par là même toute contrainte de négociation du texte avec l’ordre des médecins appesanti par des considérations éthiques et déontologiques et évitant toutes adaptations des codes et règles afférentes aux professions de santé sous l’effet de la promulgation de la nouvelle réglementation.

Elle permettrait de plus de couvrir les officiants euthanasiants contre toute accusation de meurtre illégitime, les positionnant à l’image du militaire, dans une moindre mesure du policier, du bourreau, dont la fonction de tuer est portée par une mission conférée par la collectivité, seule exception en droit à l’interdit général de tuer.

Enfin, la critique de frilosité portant sur la limitation du droit à l’euthanasie à la présence d’une pathologie incurable, ne présenterait plus de point d’appui si ce droit était reconnu simplement et inconditionnellement. La liberté nouvelle serait alors porteuse d’un contenu réel représentant un véritable progrès du droit et une véritable avancée sociale.

Par cette analyse du mouvement historique qui voit depuis des années les propositions euthanasiques buter contre le mur des conformismes, et par ses propositions concrètes et novatrices, le Groupe Charon souhaite contribuer à faire enfin éclore une société où chacun pourra disposer librement et totalement de son existence, jusqu’à son ultime étape. De cette éclosion dépendra un avenir libéré de souffrances inutiles et injustes. Le Groupe Charon, dans ce grand projet, se tient, avec sa force, son énergie, et ses moyens, au côté de tous ceux qui, représentants du peuple, ont décidé et décideront d’œuvrer avec ténacité dans ce sens.

samedi 30 juin 2012

Seconde édition du Salon de la Mort annulée

Après que sa première édition en 2011 se soit tenue sans encombre, une seconde édition du Salon de la Mort était prévue pour se tenir, toujours au Carrousel du Louvres, à Paris, en Avril 2012. Malheureusement, cette seconde édition a été annulée par ses organisateurs à peine quelques semaines avant sa tenue.


Le Groupe Charon s’était l’an dernier fait l’écho de cette heureuse initiative et avait à cette occasion exprimé tout le bien qu’il en pensait. Il avait en outre exprimé le désir de s’investir dans cette manifestation pour les années suivantes si l’occasion lui en était accordée.


Surpris par cette décision, le Groupe Charon a choisi de ne pas réagir en son heure à l’annulation de la manifestation, préférant laisser aux organisateurs la liberté de renoncer à leur choix et de maintenir finalement une manifestation allant dans le sens naturel de l’évolution sociale que le Groupe Charon entend accompagner. Ce n’est donc qu’après un délai de deux mois confirmant la décision d’annulation que le Groupe Charon en fait ici état.


Les arguments des organisateurs portent d’une part sur le contexte électoral, et d’autre part sur le contexte de crise financière faisant craindre une limitation des exposants comme du public.


S’il prend acte de ces arguments, le Groupe Charon ne les partage cependant pas et ne peut qu’exprimer sa déception. Bien au contraire, le contexte électoral, ainsi que l’a montré la résurgence à cette occasion du débat sur l’euthanasie, lui paraissait être une occasion particulièrement favorable d’aborder la problématique de la mort et des conditions du mourir. C’était en particulier une opportunité rare de confronter les professionnels du secteur à une disponibilité d’esprit particulièrement forte aux débats les plus ouverts. En particulier, le contexte de crise économique, marquant les esprits par les craintes sur l’avenir, ouvrait largement une porte sur la possibilité d’abolir les craintes sur l’avenir en abolissant l’avenir, par exemple en promouvant la démarche euthanasique. S’appuyant simplement sur la sagesse populaire reconnaissant que « Les linceuls n’ont pas de poche », il était en effet parfaitement opportun de réfléchir sur la richesse du linceul qu’autorise la concentration de la richesse personnelle sur une mort anticipée au lieu de la laisser se diluer dans le temps plus ou moins long de la vie restante.


Néanmoins, et en espérant que les organisateurs du Salon de la Mort puissent reprendre leur démarche dans les années à venir, le Groupe Charon se tient tout entier disponible pour ces prochaines éditions du Salon de la Mort qu’il appelle de ses vœux.

Euthanasie et réallocation de charges sociales

Par la liberté de programmation qui lui est liée, l’euthanasie est par essence un moyen d’abolir le risque de santé dont le coût est autrement porté par la société. Selon la date de sa mise en œuvre, elle permet d’effacer les coûts, donc en particulier les coûts sociaux, relatifs à la prise en charge de tout ou partie de la maladie et/ou de la retraite. La motivation de la demande d’euthanasie ou d’assistance au suicide ne nécessitant pas d’argument d’atteinte organique, une telle demande peut donc être posée sur le seul argument d’une souffrance psychologique intolérable, incluant par principe la souffrance liée à la perte du désir de vie dans un contexte socio-économico-environnemental donné. Le choix du moment euthanasique permet ainsi le calcul de l’économie sociale qui en résulte. C’est ce constat, et une réflexion sur la méthode de ce calcul ainsi que des potentialités qu’il ouvre, qui sont l’objet du présent billet.

Les statistiques épidémiologiques permettent de définir à chaque âge l’espérance de vie restante. Par soustraction de l’âge actuel du demandeur au jour de l’euthanasie à son espérance de vie, il vient assez simplement le nombre d’années dont son euthanasie épargne la charge à la collectivité en termes de frais de santé et de prestations retraite. L’économie réalisée en termes de prestations retraite s’obtient aisément compte tenu de ses droits à retraite, s’ils sont connus, ou peut être évalué selon plusieurs modèles, le plus simple étant l’emploi de la prestation retraite moyenne. L’économie réalisée en termes de frais de santé se calcule pour sa part aisément dès lors que sont connus les coût moyens de santé en fonction de l’âge, éventuellement affinés pour les dernières années de vie estimée par la prise en compte de la hausse des frais de santé en fonction de la proximité de la fin de la période de vie restante. Or ces coûts moyens sont accessibles à des études économico-épidémiologiques relativement simples, déjà réalisées ponctuellement dans certaines études publiées, et dont l’extension à une surveillance par un organisme officiel comme l’INSEE est parfaitement envisageable.

L’important est dès lors de réaliser que l’économie sociale d’une euthanasie en termes de coûts de santé et de prestations retraite est parfaitement mesurable, ou au moins estimable avec une finesse convenable.

Sur un plan de justice sociale et fiscale, il est alors parfaitement défendable que tout ou partie des coûts que le choix euthanasique d’un individu fait épargner à la société lui soit dévolu, par exemple pour améliorer les conditions de la fin de sa vie selon ses aspirations propres. En considérant la règle ordinaire de taxation au profit de la société de tout mouvement financier, reste ainsi à disposition légitime de l’individu un pécule auquel il peut légitimement prétendre pour en user à sa convenance avant son décès. Il répondrait de plus à la même exigence de justice sociale que les frais que l’individu pourrait engager afin de financer son euthanasie puissent être eux-mêmes défiscalisés dans la mesure où le prestataire euthanasique développe alors une activité favorisant la collecte des taxes ci-dessus mentionnées au bénéfice de l’administration fiscale et au final de la société. Cette défiscalisation aurait en outre l’effet d’optimiser les ressources que les candidats à l’euthanasie pourraient affecter à son financement, et par là rehausser le niveau qualitatif de la prestation euthanasique à laquelle ils pourraient aspirer.

On voit par là que l’introduction dans la proposition sénatoriale de loi du 8 Juin 2012 (voir notre billet du 23 Juin 2012) de l’attribution des coûts afférents à la mise en place d’une euthanasie légale en France à une surfiscalité imposée aux consommateurs de tabac est parfaitement inutile. On a déjà exposé dans le billet mentionné les raisons de son caractère à la fois stigmatisant pour une partie de la population, et de son caractère contreproductif dans la mesure où au lieu de stimuler un soutien général de l’ensemble de la population elle tend à inciter à l’opposition la population des fumeurs. On a également mentionné le doute qu’elle introduit quant à la pérennité de son financement dès lors que la population des fumeurs est invitée à décroître par les politiques modernes de santé publique. On a de plus cité le doute qu’elle fait peser sur le reste de la population d’être les prochains boucs émissaires du financement lorsque les ressources du tabac auront cessé d’être suffisamment contributives. A ces arguments viennent s’ajouter les éléments de la réflexion engagée plus haut dans le présent billet en termes de justice sociale, de source de financement fiscal à la fois juste et indolore, élément d’importance capitale dans le contexte en cours de crise des finances publiques, et de renforcement simultané de la qualité de prestation offerte aux usagers du prestataire euthanasique.

Soucieux de la qualité des prestations qu’il se propose d’ouvrir aux candidats à une mort choisie dès que cette liberté leur aura été accordée par une future réglementation, et tout autant soucieux du caractère éthique des conditions dans lesquelles peut se développer son action, le Groupe Charon veut être et rester force de propositions innovantes au bénéfice des consommateurs et futurs clients, et simultanément demeurer scrupuleusement respectueux d’une justice sociale partagée et financièrement responsable. C’est en manifestant son sérieux sur de tels enjeux et par ses propositions qu’il entend démontrer et consolider sa position de leader dans le domaine de l’euthanasie, tant au niveau de sa conception qu’à celui de sa prochaine ouverture au marché.

dimanche 24 juin 2012

Euthanasie : un simple tabou social parmi d’autres

Si chacun reconnaît que la vie peut être l’occasion de souffrances que le génie humain ne parvient pas à soulager, et que cette souffrance est liée au caractère vivant de celui qui la subit, comme en atteste le fait d’évidence qu’en l’absence de vie le même individu ne ressentirait aucune souffrance, la mort est bien un des moyens disponibles pour faire disparaître la souffrance. La réticence à mettre l’administration de la mort sur la liste des moyens légitimes et légaux de lutte contre la souffrance tient pour l’essentiel à deux a priori sociaux : d’une part celui de privilégier la vie en toutes circonstances, et d’autre part celui de refuser la possibilité pour un individu de disposer de la vie d’un autre. C’est sur la validité de ces deux a priori que repose le débat sur l’euthanasie, et sur le fait de les considérer comme des tabous que se heurte la sérénité de ce débat.

Depuis les Lumières, puis le Positivisme, jusqu’à leurs versions appliquées modernes telles que l’Evidence Based Medicine (ou Médecine fondée sur la preuve), la pensée a pris le chemin d'accepter de moins en moins d’a priori ou de tabou et de tenter autant que faire se peut de se fonder sur l’observation et l’utilisation d’une méthode de raisonnement pragmatique et logique pour traiter les observations recueillies. C’est dans cette démarche éclairée que s’inscrivent les tenants de l’euthanasie en refusant de laisser la raison se voir entravée par des tabous sociaux, reliques d’une forme de pensée antérieure à elle et les apparentant davantage à des formes de croyance qu’à la rationalité.

De fait, dans les quelques sociétés ayant accepté de s’en libérer, et de légaliser une forme ou une autre d’euthanasie (Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Suisse, Oregon), rien n’indique à ce jour un quelconque glissement vers la barbarie contre laquelle ces tabous pouvaient être vus comme des remparts.

Bien que sa démarche demeure centrée sur la question de l’euthanasie et sur l’objectif de faire bénéficier le plus grand nombre de prestations euthanasiques de qualité, le Groupe Charon estime important pour le débat social et la prise de conscience commune des freins à l’adoption d’une législation ouverte sur ce plan de souligner que le renversement de tabous sociaux ne peut en aucun cas se limiter à la seule approche de l’euthanasie. La prise de conscience de l’existence de ces tabous et de la nécessité de les dépasser, en aidant à la levée des barrières mentales et sociales contre l’euthanasie, est également à même, par le même processus, de poser à la société des questions légitimes sur plusieurs autres plans.

Ainsi par exemple, si l’inceste impliquant un partenaire majeur et un partenaire mineur doit légitimement demeurer couvert par l’interdiction au motif de la réalité possiblement contrainte du consentement libre et éclairé du mineur à cet acte, rien ne permet, si ce n’est une convention sociale arbitraire, de limiter la sexualité privée entre adultes consentants quelle que soit leur proximité biologique. De fait, aucune loi ne l’interdit à l’heure actuelle en France. Par contre, au nom de quoi la législation en cours refuserait-t-elle à ces deux adultes consentant le bénéfice de toutes les dispositions sociales afférentes au statut matrimonial ou du Pacte Civil de Solidarité (Pacs) ?

Dans le même domaine, la législation sur le mariage ou le pacs en limite l’accès à un couple de personnes, reflet en cela de la norme sociale concernant la monogamie et l’interdiction de la polygamie. Cette interdiction n’est cependant pas universelle et de nombreuses sociétés ont pu choisir une convention différente sur ce point sans pour autant relever d’une accusation de barbarie. En vertu d’un principe éthique d’autonomie et du droit de chacun à sa vie privée, et en vertu d’un principe éthique de justice entre des citoyens choisissant une association matrimoniale duelle ou multiple, quel autre frein qu’un tabou injustifié empêche-t-il que la société reconnaisse à chacun la possibilité d’un partenariat avec la ou les personnes majeures et consentantes qui l’acceptent de manière libre et éclairées, avec tous les droits que confèrent ce partenariat ?

Dans un domaine très différent, l’anthropophagie est interdite en France même lorsque la personne consommée a donné librement et en connaissance de cause son accord pour que tout ou partie de son corps serve à cet usage. Ce n’est pas le cas au Japon où un fait divers récent impliquant un volontaire s’amputant lui-même d’une partie de son anatomie a pu organiser un repas proposant la pièce d’amputation préalablement cuisinée aux différents convives, et où l’intéressé n’a pu être poursuivi faute de législation prohibant le cannibalisme. La société japonaise, qui ne dispose pas de ce type de législation, peut-elle être considérée comme barbare ou au contraire exemplairement respectueuse de l’autonomie et de la liberté de ses membres à conduire leur existence comme bon leur semble pour peu qu’ils en soient conscients, consentants, et qu’ils ne portent pas atteinte à l’intégrité d’autrui ?

On voit par ces exemples que divers aspects de la vie sociale sont limités non par le désir légitime de protéger les membres du corps social, mais également par des reliques non argumentées et non encore remises en question par des mentalités éclairées et guidées par la seule force de la raison, du pragmatisme et du souci éthique de la liberté et des valeurs qui lui sont liées.

Bien sûr, il n’est ni dans les moyens ni dans les objectifs du Groupe Charon, dont la destination est toute entière orientée sur la question de l’euthanasie, de porter simultanément toutes ces possibles revendications. Mais si, en ayant éclairé les freins à l’évolution des mentalités et de la législation en montrant qu’ils sont bien plus largement en œuvre que dans le seul champ de la mort choisie, il permet de plus aisément asseoir la démarche de dépassement du tabou social sur la mort et de faciliter l’adoption d’un cadre légal ad hoc, le Groupe Charon sera heureux d’avoir apporté sa contribution.

samedi 23 juin 2012

Assistance médicalisée à mourir : une liberté nouvelle version

Ainsi que nous l’annoncions dans nos billets introductifs de ce blog en Janvier 2011, et suite au rejet d’une proposition sénatoriale sur l’euthanasie à cette date, une nouvelle proposition de loi vient d’être déposée au Sénat, faisant suite aux débats relancés par la récente campagne électorale présidentielle. Nous écrivions d’ailleurs dès l’époque que malgré cet échec, il fallait compter avec la « liberté démocratique faisant que toute proposition non retenue peut être à nouveau soumise à débat jusqu’à ce qu’elle soit acceptée ». Les sénateurs n’ont pas tardé à mettre en pratique cette liberté.

Pour replacer les choses dans leur contexte historique récent, la proposition de loi N°656 (2009-2010) relative à l’aide active à mourir était déposée au Sénat le 12 Juillet 2010 et était animée par le sénateur Jean-Pierre Godefroy. Révisée en commission conjointement à deux autres projets de loi sur le même sujet, une proposition commune était alors construite le 18 Janvier 2011 pour devenir « relative à l’assistance médicalisée à mourir », le rapporteur de la commission étant Jean-Pierre Godefroy. Après son rejet par le Sénat en première lecture le 25 Janvier 2011, Jean-Pierre Godefroy déposait le 31 Janvier 2011 un nouveau texte sous le même titre et sous le N°312(2011-2012), à peine remanié sur quelques détails de forme et essentiellement sur les délais exigés des collèges de médecins pour rendre leurs avis sur la recevabilité d’une demande. Le sénateur Roland Courteau rejoignait à cette occasion la liste des cosignataires de la proposition de loi. Sans attendre la suite donnée à cette-dernière, le sénateur Courteau déposait enfin le 8 Juin 2012 un dernier texte sous le N°586(2011-2012) relatif à l’assistance médicalisée pour mourir et à l’accès aux soins palliatifs.

La nouvelle proposition de loi reprend pour l’essentiel les éléments de la proposition N°312(2011-2012) avec à nouveau quelques aménagements de forme un peu plus marqués et une nouvelle modification des délais de réponse médicale. Elle supprime par ailleurs la mention du devoir des professionnels de santé de se former à l’assistance médicalisée à mourir, et pose un devoir d’information du demandeur sur les possibilités offertes par les soins palliatifs ainsi qu’une aide à en bénéficier si tel est son souhait. Un complément notable aborde enfin le coût des mesures d’assistance à mourir proposées et dispose de les faire supporter par « la création à due concurrence d’une taxe additionnelle aux droits visés par les articles 575 et 575A du code général des impôts », c’est-à-dire sur les ventes de tabac. Sur ce dernier point elle reprend une disposition identique présente dans la proposition N°656 (2009-2010) et qui avait disparu lors de la rédaction de la mouture commune du 18 Janvier 2011.

Force est de constater que l’évolution des textes proposés décrit un dispositif qui semble stabilisé, mais dont la présentation s’affine avec le temps. En outre, la formulation prend progressivement une allure plus « professionnelle » la rapprochant des textes législatifs habituels, laissant percevoir par contraste les tâtonnements initiaux, et conduisant à questionner le gain potentiel pour les sénateurs de disposer de collaborations plus aptes à donner à leur production une forme d’emblée acceptable pour publication.

Les fluctuations concernant les délais de réponse médicale évoqués témoignent à l’évidence pour ces délais de leur caractère de simple variable d’ajustement du texte permettant de le soumettre à délibération de manière répétée. Ce dont témoigne également la démarche du sénateur Godefroy de déposer à nouveau son texte à peine remanié tout juste six jours après son rejet. On constate à cette occasion un mécanisme de passage de relais d’un sénateur à un autre dans l’animation de l’activisme de la démarche jusqu’à ce que le texte soit un jour accepté à force de re-proposition, le second intervenant entrant dans le jeu comme cosignataire d’un texte avant de le reprendre à son compte après quelque temps.

Une trace de cet activisme apparaît également dans le texte lui-même avec la réapparition à trois reprises dans la seconde moitié du texte de l’expression « droit à mourir dans la dignité ». Cette expression, avec l’utilisation du mot « dignité » qui soulevait des notions trop ambiguës, et qui dénotait une proximité trop évidente avec l’association du même nom, avait pourtant été progressivement bannie des textes antérieurs. Elle l’est encore dans la première moitié du texte ainsi que dans son titre qui conservent la formulation d’ « assistance médicalisée pour mourir », avant de réapparaître comme par inadvertance dans sa seconde moitié. Mais s’agit-il là d’une simple erreur, ou est-ce la manifestation de la réticence de l’activisme à demeurer dans l’anonymat consensuel pour plutôt porter ses couleurs au grand jour ?

Dans ce contexte, la mention des soins palliatifs et la suppression de l’obligation de formation des soignants sur les procédures d’euthanasie font figure d’arguments de circonstance destinés à faire taire les objections soulevées lors des dernières propositions : si les soins palliatifs se posent en alternative à l’euthanasie, laissons leur le plaisir de quelques âmes à sauver et abandonner les plus tenaces à leur demande euthanasique ; l’important n’est pas de convaincre tous les soignants de la justesse de la cause et de les pousser à y participer activement, mais si au moins ils pouvaient simplement laisser agir ceux qui sont déjà convaincus !

Le financement de l’ensemble du dispositif par la création d’une taxe sur les tabacs est enfin une disposition ré-émergeant dans un contexte économique tendu afin de faire taire les critiques des « Combien ça va coûter ? » tout en apportant une allure de justice sociale sur l’exemple du pollueur-payeur : le tabac tue, alors à lui de payer les frais de la mort, et il n’y a pas de raison que les innocents qui ne sont responsables de rien aient à en porter le poids. Il serait pourtant facile d’objecter que l’alcool fait aussi sa part de dégâts, que la vitesse sur la route et le permis moto ont leur lot de morts sur la conscience, que le cholestérol distribué à profusion par les marchands de mayonnaise et que le sucre perfusé à haute dose par les vendeurs de sodas sont loin d’être en reste, que les imprudents alpinistes et autres parapentistes pourraient légitimement réclamer une part de responsabilité, que les irresponsables hygiénistes non contents de coûter un argent considérable en moyens d’asepsie et d’antibiothérapie moderne alimentent en candidats au cancer les divers spécialistes dispendieux qui recueillent ces rescapés que la mort n’a pas pu emporter avant qu’ils aient le temps de voir proliférer leurs métastases. Mais de plus que penser d’une taxe qui devrait financer le dispositif euthanasique « à due concurrence » ? Jusqu’à quel point le dernier fumeur de France devra-t-il financer l’euthanasie de ses concitoyens ? Les autres boucs émissaires assureront-ils le relais à l’extinction du dernier fumeur ? Ou l’euthanasie, à défaut de la mort elle-même, s’éteindra-t-elle avec la disparition du dernier consommateur de nicotine ?

Quoi qu’il en soit, le Groupe Charon se félicite que l’initiative soit aujourd’hui reprise en vue de l’adoption d’une législation euthanasique en France. Bien que restées depuis quelques mois dans l’expectative dans l’attente d’une nouvelle opportunité législative, les propositions antérieures du Groupe Charon retrouvent une actualité certaine. Le Groupe Charon est plus que jamais prêt à offrir au public les moyens de mettre en pratique cette liberté nouvelle dès que le cadre légal en sera ouvert.

Bien sûr, si l’ensemble de la récente proposition emporte sur son principe l’adhésion et le soutien du Groupe Charon, la problématique de son financement est pour lui une source de préoccupation. Comme il a été développé plus haut, son assiette limitée à la population consommatrice de tabac, si elle permet dans un premier temps de faire accepter l’idée euthanasique à l’abri des oppositions financières, ne permet certainement pas de laisser espérer un développement conséquent de sa pratique. Les autres sources de financement évoquées semblent par contre plus à même de conférer une pérennité au dispositif. Ce sera en outre un des enjeux du débat sénatorial, et espérons-le parlementaire, que de dessiner les contours d’un système de financement de la mort choisie viable sur la durée, apte à promouvoir les bénéfices de la libre entreprise, et à même de faire bénéficier au plus grand nombre d’une offre euthanasique diversifiée de qualité. Le Groupe Charon se tient naturellement disponible, avec l’ensemble de sa structure, de ses équipes, de ses capacités d’imagination et d’innovation, pour contribuer cette construction.